Réarmement de l’Europe : le plan européen de 800 milliards d’euros fait-il le poids face à Poutine et à Trump ?
L’Union européenne a dévoilé la semaine dernière un plan pour se réarmer face à la menace russe. Mais pour certains experts, le compte n’y est pas
Confrontée à la fois à la menace russe et au désengagement américain, l'Union européenne veut se réarmer avec un plan dont l’objectif affiché est de mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros. « Le temps des illusions est révolu », a lancé mardi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. « Il nous faut une augmentation très rapide des capacités de défense européennes. Et il nous la faut maintenant ! »
Mais de nombreuses interrogations subsistent sur la portée réelle de ce plan et sur la capacité des Européens à trouver rapidement autant d’argent.
Pourquoi maintenant ?
Les pays européens ont sensiblement augmenté leurs dépenses militaires depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 mais le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche a rebattu les cartes et ajouté au sentiment d’urgence. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche menace régulièrement les pays européens de l’Otan de ne plus les défendre s’ils ne doublent pas leurs dépenses militaires. Il les a aussi pris totalement de court en suspendant son militaire à l’Ukraine.
Des discussions ont eu lieu, mardi en Arabie saoudite, entre l’Ukraine et les États-Unis, durant lesquelles Kiev a accepté une proposition de cessez-le-feu de 30 jours. Le projet doit désormais être soumis à la Russie
Mardi, à l’issue de discussions avec l’Ukraine durant lesquelles Kiev a accepté une proposition de cessez-le-feu de 30 jours, Washington a annoncé la levée « immédiate » de la suspension de l’aide militaire à Kiev.
L’institut Bruegel, un think-tank bruxellois, estime que si l’Europe veut sérieusement dissuader la Russie de l’attaquer, elle devra dans ce cas dépenser quelque 250 milliards d’euros supplémentaires chaque année, et mobiliser quelque 300 000 hommes en plus.
De quoi parle-t-on ?
Le plan dévoilé la semaine dernière à Bruxelles repose sur deux éléments centraux. Le premier consiste à donner plus de flexibilité budgétaire aux États membres pour qu’ils puissent dépenser plus dans le domaine de la défense. Ursula von der Leyen estime que quelque 650 milliards d’euros pourraient ainsi être mobilisés au cours des quatre prochaines années.
Mais atteindre cet objectif dépend surtout de la bonne volonté des États membres et de leur capacité à dépenser plus : si cette initiative offre de la souplesse, elle n’est pas synonyme, en elle-même, d’argent supplémentaire sur la table.
Le deuxième volet de la stratégie européenne consiste à mettre 150 milliards d’euros de prêts à disposition des États membres pour financer en commun des investissements au bénéfice de l’industrie européenne de la défense, dans des secteurs jugés stratégiques, comme les drones, l’artillerie ou la défense anti-aérienne.
D’autres éléments du plan prévoient par exemple d’avoir recours aux fonds non utilisés en matière de cohésion entre les différents territoires de l’UE.
Ce plan peut-il fonctionner ?
« La variable principale ici, c’est la décision que prendront les États » puisque l’essentiel de l’effort financier préconisé par Bruxelles est du ressort des gouvernements nationaux, explique Ian Lesser, du German Marshall Fund. La bonne nouvelle, souligne-t-il, est que la situation a « évolué au cours des dernières semaines et que les États sont désormais plus engagés ».
Mardi, à Strasbourg, Ursula von der Leyen a salué ce nouvel engagement des 27, « absolument impensable il y a encore quelques semaines ».
Donald Trump a également assuré que le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, serait invité à revenir à la Maison-Blanche. De son côté, Emmanuel Macron s’est « félicité des avancées permises par les discussions entre les États-Unis d’Amérique et l’Ukraine »
La future coalition en Allemagne veut montrer son sérieux et dépenser au moins 500 milliards d’euros pour la défense du pays. Mais ce projet est soumis à un accord des Verts allemands, toujours incertain. L’insistance de certains pays, dont la France, à limiter les aides aux industries européennes peut poser un autre problème, selon cet expert. « Le moyen le plus rapide de renforcer nos capacités est encore d’acheter de l’équipement américain sur l’étagère », juge ainsi M. Lesser.
Les armes américaines posent aussi le problème de leur utilisation. Pourquoi acheter des F-35 américains, si on se retrouve à l’avenir dans l’impossibilité de les utiliser, faute de l’autorisation des États-Unis, a expliqué mardi à Strasbourg l’eurodéputé français social-démocrate Raphaël Glucksmann.
Est-ce que cela sera suffisant ?
Trois ans après le début de l’offensive russe en Ukraine, l’UE assure qu’elle a désormais pris le dossier défense à bras-le-corps. « Cela va dans la bonne direction, mais ce n’est pas suffisant », estime Guntram Wolff, de l’institut Bruegel, résumant un sentiment largement partagé.
Très critique de la politique de Donald Trump, le sénateur démocrate Mark Kelly a affiché son soutien à l’Ukraine, ce qui n’a pas plu au milliardaire
Ursula von der Leyen doit présenter la semaine prochaine des propositions concrètes dans le cadre de son plan « réarmer l’Europe ». « Pour l’instant, on a les contours d’une idée », explique un diplomate européen. « On attend les détails. »
L’une des idées défendues par plusieurs États membres - mais rejeté entre autres par les Pays-Bas - est celle d’un grand emprunt européen sur le modèle de ce qui avait été fait lors de la pandémie de Covid. « Un grand emprunt commun visant à combler l’écart avec les États-Unis changerait fondamentalement la donne », juge Guntram Wolff.
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