Les étudiants internationaux en France : entre politique d’attractivité et instrumentalisation politique

Les politiques d’attractivité de l’enseignement supérieur se heurtent à des paradoxes qui nuisent à l’accueil des étudiants internationaux. Les mesures, comme l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants non européens, combinées aux restrictions migratoires, créent un environnement souvent décourageant pour ces étudiants, qui sont pourtant au cœur de la stratégie d’internationalisation de la France. En France et en Europe, les étudiants internationaux font de plus en plus l’objet d’une attention politique renforcée. Tantôt ils sont perçus comme de futurs talents et sont à ce titre la cible de politique publique d’attractivité. Les considérant comme des sources de rayonnement international et viviers de main-d’œuvre qualifiée pour faire face à la concurrence économique, les États redoublent alors d’efforts pour les attirer, les former et leur offrir des perspectives d’emploi et de séjour durables. Tantôt ils sont perçus comme des étrangers migrants et font les frais de politiques migratoires sans cesse plus restrictives. Les suspectant d’être des migrants illégaux ou de profiter de la qualité du système d’enseignement supérieur, les États multiplient alors les contrôles et posent des conditions de plus en plus strictes à celles et ceux qui voudraient étudier et s’installer plus durablement. Contradictoires, ces stratégies politiques témoignent d’abord d’enjeux différents, au carrefour des politiques diplomatiques, des politiques scientifiques et culturelles, des politiques économiques et des politiques migratoires, que ce soit à l’échelle européenne ou à l’échelle nationale. En revanche, les enquêtes sociologiques montrent que ces politiques mal coordonnées génèrent des conséquences négatives sur le vécu des étudiants internationaux et qu’elles constituent autant d’obstacles au développement de véritables politiques d’accompagnement, d’intégration et de réussite par les établissements d’enseignement supérieur. Des politiques européennes contradictoires À l’échelle européenne, l’ambition des institutions est de faire de l’Europe un « centre mondial d’excellence pour les études et la formation » et un pôle de compétitivité dans « la course mondiale aux Talents ». À ce titre, plusieurs stratégies ont été développées. Le processus de Bologne a facilité la mobilité des étudiants en permettant une harmonisation des cycles d’études autour du LMD (Licence, Master, Doctorat) et une meilleure reconnaissance mutuelle des qualifications. Les programmes Erasmus et Erasmus + ont également dégagé des ressources financières pour soutenir les partenariats et les mobilités. Si les étudiants européens sont les premiers bénéficiaires de ces mesures, elles sont aussi une source de dynamisme pour l’espace européen de l’enseignement supérieur. Elles permettent en effet à des étudiants internationaux de venir suivre des formations de qualité dans plusieurs États européens, de profiter des programmes d’échange entre universités et d’obtenir des diplômes européens (Master Erasmus Mundus ou de doubles-diplômes). Toutefois, l’attractivité de l’enseignement supérieur européen se heurte encore à la réticence des États membres qui s’opposent au développement de politique commune facilitant la libre circulation des étudiants internationaux. Ainsi, si l’UE a adopté une directive pour promouvoir des conditions communes de sélection et de droit au séjour pour les étudiants ressortissants des États tiers, les États refusent toujours d’abandonner leur pouvoir discrétionnaire quant au nombre de visas à délivrer ou de lever les barrières administratives et migratoires qui entravent leur mobilité intra-européenne. Le développement d’une politique européenne ambitieuse destinée à faire de l’Europe une terre d’accueil et de formation pour les étudiants internationaux peine donc à être véritablement efficace. Les paradoxes de la politique française En France, les politiques publiques développées à destination des étudiants internationaux sont également très contradictoires. En 2019, pour faire face au décrochage de la France dans les rankings internationaux, celle-ci étant passé de la 3e à la 7e place dans l’accueil des étudiants internationaux en dix ans, le gouvernement d’Edouard Philippe a mis en place le Plan « Bienvenue en France ». L’objectif était ambitieux puisqu’il s’agit d’attirer 500 000 étudiants internationaux d’ici 2027. Mais cette stratégie repose dans un premier temps sur des mesures controversées, comme l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants non européens jusqu’à 15 fois ceux payés par les étudiants français et européens. L’argumentation avancée par le gouvernement suggère que des frais d’inscription plus élevés signaleraient une formation de meilleure qualité, ce qui permettrait d’attirer les meilleurs étudiants internationaux. Dans un second temps, cette stratégie se heurte, comme à l’échelle européenne, à des politiques migratoires restrictives. Non seulement les conditions d’entrée et de séjour n’ont pas été assouplies, mais la suspicion à l’égard des étudiants internationaux n’a pas cessé. Dès lors, l’augmentation des frais d’inscription a été justifiée par des mesures d’équité par rapport aux familles françaises qui paient des impôts, contrairement aux étudiants internationaux qui seraient suspectés de profiter d’un enseignement à bas coûts. La tentative d’introduire dans le projet de loi Immigration de janvier 2024 le paiement d’une « caution retour » pour les étudiants internationaux en est un autre exemple. Projet de loi immigration et caution retour : l’enseignement supérieur vent debout (reportage en 2023, France 24). À ces politiques migratoires restrictives s’ajoute le fait que les étudiants internationaux sont régulièrement les victimes collatérales des pressions diplomatiques de la France à l’égard des États tiers, comme cela a été le cas à l’encontre des étudiants en provenance du Maghreb. Ces derniers ont été privés de visas en rétorsion de la mauvaise volonté de leur pays de reprendre leurs ressortissants expulsés du territoire français, ou comme cela a été le cas avec les étudiants du Burkina Faso ou du Mali à la suite de la prise de pouvoir des militaires. Comme à l’échelle du continent européen, les étudiants internationaux sont ainsi pris en étau entre des politiques scientifiques qui veulent les attirer et des politiques migratoires qui les perçoivent comme des étrangers indésirables. Impact sur les étudiants internationaux Si les politiques publiques développées à destination des étudiants internationaux sont incohérentes, les enquêtes sociologiques montrent surtout qu’elles ont des conséquences particulièrement négatives sur leur réussite et leur intégration. L’un des problèmes les plus fréquents est l’obtention du visa d’études et le renouvellement des titres de séjour. Les démarches sont complexes et longues. Aux sélections opérées par Campus France s’ajoute une seconde sélection par les universités, puis une troisième procédure tenant à la vérification des conditions de séjour exigées pour l’obtention du visa. Plus problématiques encore, les visas étudiants sont régulièrement délivrés tardivement, empêchant les étudiants internationaux d’arriver à temps pour commencer leur formation. Ils ne peuvent ainsi pas assister aux réunions de rentrée, au cours de méthodologie de début de semestre ou encore aux manifestations d’accueil. Cela les prive de conseils précieux pour réussir et les isole du reste de la communauté étudiante. Une fois en France, ils doivent naviguer dans un système administratif complexe, avec des démarches longues et incertaines pour renouveler leur titre de séjour auprès des services préfectoraux. Ces procédures, qui ne concernent pas leurs homologues européens, sont vécues comme une forme d’injustice par ces étudiants. Cette précarité au regard de leur droit au séjour les détourne surtout de la concentration et de la sérénité nécessaire pour réussir des études supérieures. Les étudiants internationaux se heurtent à de nombreuses difficultés administratives. Témoignage d’une étudiante de master sur TV5 Monde en 2020. La recherche de logement constitue un autre défi. Les résidences universitaires gérées par les CROUS, souvent perçues comme plus accessibles, excluent de nombreux étudiants internationaux. Par conséquent, ces derniers se tournent vers le marché locatif privé, où ils rencontrent fréquemment des pratiques discriminatoires en raison de leur origine et de leur statut juridique « précaire ». Enfin, les étudiants internationaux sont souvent en proie à une précarité économique et sont dans l’obligation de travailler pour financer leurs études. Or, les emplois qui leur sont accessibles sont souvent pénibles et peu rémunérateurs. Cette accumulation de difficultés constitue autant d’obstacles à leur réussite. Cela crée notamment un sentiment de vulnérabilité généralisé chez eux, comme le confirme les résultats de l’enquête sur la vulnérabilité étudiante en Nouvelle-Aquitaine de 2018 qui montrait que 50 % des étudiants de nationalité étrangère sont en situation de vulnérabilité contre 27 % des étudiants français. Pour pallier ces difficultés, les universités ont peu de moyens d’action car la plupart des obstacles rencontrés sont le résultat de politiques publiques nationales. Même dans leur domaine d’action, elles tardent à développer de véritables stratégies d’accompagnement. Le soutien à la méthodologie, la formation linguistique ou la possibilité de choisir son semestre de rentrée sont trop souvent inexistants. Pour que la France reste compétitive sur la scène mondiale, il est nécessaire de réévaluer ces politiques et d’adopter une approche plus cohérente et inclusive. C’est une stratégie de gain économique et de maintien du rayonnement fort de l’État dans la région et dans le monde. Les universités sont appelées dès lors à développer des stratégies d’accueil mieux adaptées aux besoins spécifiques des étudiants internationaux afin de leur offrir un soutien adéquat dès leur arrivée. L’attractivité de l’enseignement supérieur français ne peut se limiter à des chiffres. La qualité de l’accueil et des conditions de vie sur place sont essentielles pour garantir non seulement la réussite académique des étudiants, mais aussi leur bien-être personnel et social (source The Conversation) Publié par Dominique Manga dans
AUTEUR Marion Tissier-Raffin Maîtresse de conférences en droit public, Université de Bordeaux Hachem Benissa Chercheur postdoctoral, Université de Bordeaux

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