L’évaluation des outils de lutte contre la délinquance financière et les partenariats public-privé

Pour être plus efficace, la lutte contre la délinquance financière requiert davantage de coopération entre les secteurs publics et privés, mais aussi entre les intervenants privés. Inspirée notamment par des expériences canadiennes ou britanniques, l’Union européenne s’y met à son tour. Le Sénat a lancé en 2025 une commission d’enquête aux fins, notamment, d’évaluer les outils de la lutte contre la délinquance financière. Une telle évaluation est la bienvenue, notamment s’agissant du système de prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, en quête d’effectivité depuis bien longtemps. La coopération entre acteurs publics et privés est un élément fondamental de ce système préventif et devrait faire partie de la réflexion. De nombreux acteurs privés sont soumis à des obligations de vigilance en matière de prévention du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme : des professionnels de la finance, bien sûr, comme les banques et assurances, mais aussi des professions non financières (experts-comptables, avocats, professionnels de l’immobilier, secteur du jeu…). Tous ces acteurs – les entités assujetties – doivent déployer des efforts importants pour détecter les comportements suspects de leurs clients, et déclarer ces suspicions aux cellules de renseignement financier. Il semblerait d’ailleurs que tous ne se prêtent pas à ces obligations avec le même entrain. En France, plusieurs autorités publiques interviennent non seulement pour assurer que ces obligations sont bien respectées, mais aussi pour exploiter les informations transmises. D’un côté, des autorités de supervision (l’Autorité de contrôle prudentiel s’agissant des banques assure que les entités assujetties mettent bien en œuvre leurs obligations et peuvent les sanctionner lourdement en cas de manquement. D’un autre côté, Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) est l’autorité compétente pour recevoir et analyser ces informations avant, éventuellement, de les diffuser, notamment aux services de police. Des réformes successives pas vraiment évaluées Les règles juridiques applicables à ce système sont fortement évolutives puisque ce ne sont pas moins de six textes européens d’ampleur qui ont été adoptés dans ce domaine entre 1991 et 2024, dont trois réformes entre 2015 et 2024. Cette frénésie législative s’explique en partie par les critiques adressées à l’effectivité du système de prévention du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Un rapport d’Europol publié en 2017 montrait par exemple le contraste saisissant entre le nombre de déclarations d’opérations suspectes produites par le secteur privé, et leur utilité concrète pour la justice pénale. Il en ressortait que la quantité importante d’information fournie par le secteur privé ne se matérialisait pas en poursuites pénales, et n’aurait donc pas l’utilité espérée en matière de lutte contre la criminalité financière. Les réformes successives avaient ainsi pour but de rendre le système plus performant, sans toujours y arriver. En 2022, La Cour des comptes française, ayant publié une analyse relative à l’évolution du dispositif français de lutte contre le blanchiment, concluait de manière remarquable que « les coûts et bénéfices associés à la lutte contre le blanchiment n’ont fait l’objet d’aucune étude ». Malgré la difficulté à évaluer le système existant, et les critiques acérées issues de certaines études, la frénésie législative ne s’est pas arrêtée. Le privé mal placé pour détecter les phénomènes criminels ? Une idée simple s’est récemment imposée dans les débats relatifs à l’avenir de la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme : il faudrait aller encore plus loin. Le système préventif souffre en effet traditionnellement d’une limite. Les acteurs privés ne sont pas toujours capables à eux seuls de détecter les phénomènes criminels, ne serait-ce que parce qu’ils n’ont pas accès aux mêmes informations et aux mêmes techniques que les acteurs publics. Autrement dit, il leur est difficile de faire, seul, un travail de détection de comportements suspects. Pour répondre à cette difficulté, des modèles étrangers, et notamment le Joint Money Laundering Intelligence Taskforce (JMLIT), ont été pris en exemple. Leur idée : le secteur privé et le secteur public devraient travailler plus étroitement dans le but de lutter ensemble contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. En particulier, le secteur public devrait partager plus d’informations avec les acteurs privés pour soutenir ces derniers dans leurs efforts de détection de comportements suspects. Ces partenariats peuvent prendre différentes formes. Il peut s’agir d’échanger des noms de personnes identifiées, notamment en matière de financement du terrorisme. Il peut aussi s’agir d’échanger des informations relatives aux tendances en matière de criminalité. C’est ainsi, par exemple, que la cellule de renseignement financier canadienne (Canafe) a pris l’initiative du projet Anton visant à faire coopérer, à l’échelle internationale, acteurs publics et privés en matière de commerce illégal d’espèces sauvages. Dans tous ces exemples, les acteurs privés sont également invités à pouvoir échanger entre eux pour faire face à des problèmes communs. Partenariat d’échanges d’information Inspirés de ces modèles étrangers, de modèles déjà en cours de développement au sein de certains États membres de l’Union européenne, et d’études comparatives et prospectives, le nouveau règlement européen adopté en 2024 propose aux entités assujetties aux obligations de prévention du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, de s’engager dans des partenariats d’échange d’information. Ces partenariats, reposant sur le volontariat, doivent notamment permettre d’échanger des informations entre acteurs privés. Concrètement, des entités privées, et notamment des banques, pourront ainsi s’échanger des informations relatives à certains clients. La sixième directive anti-blanchiment, également adoptée en 2024, prévoit quant à elle aussi des mécanismes permettant aux cellules de renseignement financier de transmettre des informations, et notamment des noms de personnes physiques identifiées, au secteur privé, pour que celui-ci suive certaines transactions ou activités ou soit particulièrement vigilant face à certaines situations. Sénat 2025. Davantage de partage d’informations des intervenants privés en France Le partenariat public-privé, dans le contexte du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, n’est pas une nouveauté en France. Depuis 2016, la cellule de renseignement financier française a en effet le pouvoir de faire des « appels à vigilance », lui permettant d’alerter le secteur privé de certaines menaces, ou encore de lui indiquer des noms de personnes auxquelles il est nécessaire de porter une attention particulière. Il existe plus globalement déjà un « véritable partenariat public-privé » en matière de financement du terrorisme, mis en place par Tracfin, et permettant aux différentes parties prenantes d’échanges des informations sur leurs pratiques. Jusqu’à présent, les acteurs privés n’étaient toutefois invités à échanger des informations entre eux que dans des cas très limités. Le changement principal qui va être institué en France par les nouveaux textes européens est donc ici, dans la capacité des acteurs privés à échanger entre eux. On peut regretter qu’aucune évaluation du système existant spécifiquement en France en matière de partenariats public-privé n’ait été faite. Le développement des partenariats public-privé et privé-privé vise certes à répondre à un besoin d’efficacité, mais l’efficacité est elle-même difficile à mesurer dans ce domaine. De même, le développement des échanges d’informations, notamment sur des personnes identifiées, soulève des questions fondamentales en matière de protection des données à caractère personnel. Les discussions autour de l’effectivité de la lutte contre la criminalité financière devraient aussi tenir compte de cela (source The Conversation ) Publié par Dominique Manga dans
AUTEUR Maxime Lassalle Maître de conférences en droit, Université Bourgogne Europe .

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